Joséphine Bournonville, co-fondatrice d'Omie dans le podcast Digital Doers

Joséphine Bournonville, co-fondatrice, COO et Chief Impact Officer d'Omie, répond aux questions de Cyril Du Plessis du podcast Digital Doers, la source d'inspiration pour les acteurs de l'innovation. Elle précise la mission d'Omie, marque alimentaire et levier pour la transition écologique et sociale ainsi que les réseaux de distributions de la marque.

Omie, c’est “une marque qui se veut repère”

Joséphine : ”C’est la première marque alimentaire vers l’agriculture régénérative qui fait de l’alimentation une solution face aux enjeux climatiques et sociaux […] En tant que marque alimentaire, on adresse l’amont agricole : comment on produit et on enclenche la transition grâce à l’accompagnement des agriculteurs et agricultrices […] Puis, on crée le mieux manger en s’intéressant à l’aval et en proposant un service qui rend le mieux consommer simple.”
“Chez Omie, ce n’est pas au consommateur de faire la recherche, on doit lui apporter tous les engagements et du goût : de la cuisine, pas de la chimie. Le tout, facilement accessible : en ligne comme en magasin.”
“Omie est une marque qui se veut repère, dans un monde où on doit scanner tous les produits pour savoir si c’est bien fait et où on est confrontés à des dilemmes tous les jours entre : est-ce que j’achète ce produit qui est bio mais sous plastique et qui vient de je-ne-sais-où ou cette marque sympa mais dont je ne comprends pas le prix final.”
“On veut résoudre les problèmes des consommateurs avec une marque horizontale qui couvre tous les besoins. Pour nous, 1 besoin = 1 produit. Il n’y a pas plusieurs variations de produits pour un besoin ou une recette. On garde cette simplicité de marque qui accompagne le quotidien. Et on ajoute de la transparence en disant : qui gagne quoi, combien gagne le producteur, le fabricant et Omie.”
C’est une meilleure version de chaque produit en termes d’environnement, de social et de goût.”


Justifier ses prix aux consommateurs grâce à la transparence

Joséphine : ”Aujourd’hui, le marché de la bio, c’est 35 milliard en France, 6 à 7% de la consommation (qui souffre d’un pouvoir d’achat en baisse en ce moment) pour seulement 10% des surfaces cultivées en bio. […] Cependant, l’inflation se fait moins ressentir sur les produits bio car on ne fait pas venir d’intrants donc il y a un rattrapage qui s’opère ici sur les prix du bio.”
“Le frein quant aux prix des produits bio, c’est aussi un sujet de défiance vis-à-vis du bio, lorsqu’il y a une remise en cause, cela vient de la non-compréhension de la différence de prix et surtout de ce qu’il y a derrière comme démarche, car parfois nous n’avons pas assez de transparence derrière le bio. […] En effet, les critères bio de chaque pays peuvent être différents, c’est une obligation de moyen sur le non-pesticide, mais cela ne prend pas toujours en compte d’autres aspects comme la préservation de la biodiversité, le cycle de l’eau… Ce que nous, chez Omie, on fait. […] Notamment avec le Planet-Score (notation environnementale indépendante), qui prend en compte des critères de mode d’élevage, de bien-être animal, d’impact sur la biodiversité, d’utilisation de pesticides…”
“Historiquement, le marché du bio proposait une solution environnementale globale, mais depuis, est apparu un bio industriel que l’on a pas envie de voir dans les rayons”
“Malgré cette défiance, il y a croissance sur les catégories typée « sans » : sans pesticide, sans alcool… C’est +6% pour ces catégories. Et nos gammes Omie répondent à ces sujets, à ces inquiétudes consommateurs […] avec du produit en France, la perception du local, des filières courtes, sans pesticide éventuellement, sans ingrédient transformé.”
“Aujourd’hui, on doit prouver la valeur d’un produit derrière son prix.”

Une marque alimentaire qui accompagne la transition

Joséphine : ”La notion de transition et d’accompagnement est souvent réservée à des politiques publiques. Aujourd’hui, l’agriculture française est subventionnée par la PAC (politique agricole commune).”
“Il y a toujours l’offre, la demande et le régulateur. Il y a donc également des acteurs européens qui viennent influencer ce processus. La question est : existe-il des initiatives vertueuses ? […] La prime de conversion au bio n’est pas suffisante et il faudrait aussi un système d’assurance pour assurer les pertes de rendements lors d’une conversion du producteur.”
“Les exigences environnementales ne vont pas assez loin par rapport à ce qu’on voudrait mais aussi d’après ce que dit le GIEC. En France et Europe, le chemin est encore long. Il n’y pas de rémunération des services écosystémiques. Chez Omie, on se rémunère uniquement via la vente des produits finis.”

©Maxime Riché pour Omie

Quels sont ces services écosystémiques chez les producteurs et fabricants ?

Joséphine : “Les ingénieurs agronomes d’Omie vont sur le terrain, pour identifier le producteur et l’accompagner pour faire évoluer ses pratiques agricoles vers l’agriculture régénérative (l’agriculture biologique + de conservation des sols).”
Comment est-ce qu’on entre en contact ?
”On travaille avec Pour une Agriculture Du Vivant, c’est aussi grâce à leur réseau qu’on peut repérer des partenaires producteurs. On fait appelle aussi aux fabricants qui ont leurs propres producteurs.”
“Ensuite, on rencontre tous les producteurs, au démarrage on fait un diagnostic sur le terrain, on se fait accompagner par des experts pour le faire, comme Pour une Agriculture du Vivant, en se formant à l’Indice Régénératif. Puis, on établie une feuille de route avec des objectifs à 1, 2 ou 3 ans.”
”C’est à la fois de la préconisation de changement puis veiller à son application. Derrière, nous garantissons des prix justes, des volumes d’achats, des mises en avant avec valorisation des démarches engagées des partenaires.”
“Dans la suite du parcours, nos produits sont transformés, cuisinés par des fabricants et on demande de la transparence, on s’assure que leurs fournisseurs également respectent le cahier des charges. Notre réseau de fabricants est très important, on les rencontre et on négocie des prix justes aussi avec eux au travers de plusieurs cycles tarifaires par an, en fonction de l’évolution des matières premières pour revoir les prix à la hausse ou à la baisse, puis on communique cela à nos consommateurs. On a aussi des outils qui nous guident : une charte d’engagement initiale, un cahier des charges de production de sourcing et traçabilité, on sait d’où viennent les ingrédients et on vérifie la filière.”
“Il existe aussi d’autres ingrédients dans nos recettes, dit exotiques. On fait le choix de s’appuyer sur des réseaux existants et qui font du Commerce équitable depuis toujours. Le Commerce équitable s’accompagne bien souvent du bio, nous travaillons notamment avec Agrosourcing, véritable partenaire de confiance pour nous, avec un niveau d’exigence égal au nôtre.”

Omie est une B Corp !

Joséphine : ”B Corp est une certification indépendante, qui vient des Etats-Unis à la base et présente trois piliers d’entreprise : people, planet, profit. […] Pour être B Corp il faut mettre dans ses statuts ces trois enjeux puis passer un audit mené par B Corp. On répond à un questionnaire : sur la gouvernance, les parties prenantes… et on apporte des preuves. On obtient alors une notation et si le seuil est atteint, on devient B Corp. La certification se déroule tous les 3 ans. Le but, c’est d’améliorer ses points à chaque certification.”
”On regarde comment s’améliorer constamment. Ça demande du temps […] et cela fait écho à la culture de transparence au sein de l’entreprise, on a beaucoup de data sur tout donc ce fut plus simple de consigner tout ça en vue de la certification […] Nativement B Corp, on a tout de suite pensé à être une entreprise à impact.
Qu’est-ce qu’on entend par “impact” ?
”Un impact environnemental, sur le climat, à travers un bilan carbone, c’est un des prismes de mesure de l’impact. […] Il y a aussi l’impact du business model : de notre côté, plus on vend de produit plus on a un impact positif. On le mesure avec le Planet-Score, une notation environnementale développé par institut indépendant, basé sur la méthode agribalyse de l’ADEME et ajoute la dimension bien être animal, gestion du cycle eau etc. […] à la fin ça donne une note A,B,C ou D.

©Maxime Riché pour Omie


Pourquoi l’agriculture régénérative ?

Joséphine : “Au début, les premières années, les producteurs baissent en rendement mais il y a un rattrapage possible par la suite. Avec les effets du réchauffement climatique, il y a de plus en plus d’évènements extrêmes. En agriculture régénérative, on mixe la culture de plusieurs plantes et céréales, par exemple deux types de cultures différentes ou encore des arbres et une culture, l’important c’est la création d’interactions, cela rend les champs plus résilients face à des maladies, des évènements type inondation ou autre. Ici, il faut réfléchir en termes de risques et écosystèmes plus qu’en termes de rendement.”
”Également, comme il y a une augmentation prix des intrants synthèses, lié au prix de l’énergie, s’en passer réduit les coûts opérationnels et donc lorsque le producteur retrouve du rendement : il a une meilleure rentabilité.”
Ces périodes de transition, comment on les finance et comment on assure les risques ?
”En agriculture, il faut beaucoup tester, on apprend ce qui fonctionne, ne fonctionne pas et c’est pour ça qu’il faut des années, entre 3 à 5 ans. Il y a vrai sujet sur le financement de la transition. […] Avec Omie, on y travaille sur tout le territoire.”

Quel est le mode de distribution d’Omie ?

Joséphine : ”Ce n’est plus uniquement le canal e-commerce mais aussi en épicerie, on est multi-canal en termes de distribution. Plus de la moitié de nos revenus sont off-line via les magasins et c’est sur ce segment que l’on porte la croissance. 90% de la population achète leurs produits alimentaire en points de vente. […] En effet, l’achat en ligne n’est pas forcément un réflexe, ça fait sens pour nous d’aller là où on nous attend.”
Et la grande distribution ?
“La grande distribution, on réfléchit à toutes les options, on veut être accessibles pour tout le monde, mais il ne faut pas être un produit en rayon perdu parmi d’autres, on doit pouvoir expliquer notre mission liée à l’agriculture régénérative, c’est pourquoi on propose tout un accompagnement pour ouvrir un corner sur le régénératif dans les magasins, c’est un relais de croissance, une différenciation qui répond à une demande des consommateurs.”
“Un exemple qui fonctionne avec discours très fort : C’est Qui Le Patron, tout le monde connait cette marque : c’est un modèle très inspirant sur le modèle construction de prix et chez Omie, nous ajoutons l’aspect environnemental. Sur la visibilité et transparence, c’est la même logique. Ça nous permet de justifier pourquoi ces prix en magasin et s’assurer de la bonne réception de ce message dans les enseignes de distribution.”
“Aujourd’hui, on est chez Potager City, une enseigne de Carrefour, on couvre plein de besoins avec 230 références pour tous les moments de consommation. Pour une épicerie comme pour un distributeur, c’est un seul interlocuteur qui leur apporte toute la gamme en une fois, c’est moins de complication fournisseur et une marque forte avec un lien consommateur direct (vu qu’on vend en e-commerce également), on propose un accompagnement complet sur comment vendre nos produits et partager nos missions.”

Comment on parle de ses engagements de marque à sa clientèle ?

Joséphine : ”Chez Omie, on fait beaucoup de pédagogie : on produit des contenus, sur ce qu’on fait, sur nos producteurs, nos fabricants, on garde un lien avec notre clientèle à travers tous les médiums : réseaux sociaux, vidéos, articles, newsletter. On crée tout ce contenu, et on est capable de le produire car nous avons cette relation de confiance avec nos producteurs en direct. Nos stratégies online (e-commerce) et offline (magasins) sont cependant différentes. On a retravaillé nos packagings pour le offline par exemple, avec le Planet-Score affiché et aussi de la PLV mobilier magasin très clair pour expliquer la mission.”
Qui est la clientèle d’Omie ?
Aujourd’hui, principalement, ce sont des femmes, à quasiment 70%, entre 30 et 45 ans, avec des profils variés : avec un premier enfant, famille de 2-4 membres, assez urbaines mais pas que, bien réparties sur le territoire autant dans les grandes villes que les villes moyennes.”

La suite pour Omie ?

Joséphine : “Nous avons fait une levée de fonds de 15 millions d’euros, pour nous, l’objectif est de devenir la référence du bien manger en France. Dans cette lignée, on a lancé une campagne TV. Désormais, on veut miser sur l’accessibilité, être dans le plus de magasins possible, le segment des épiceries en particulier. C’est pourquoi nous venons d’ouvrir notre plateforme de commande en ligne Omie PRO pour faciliter les commandes.”