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Sans résidu de pesticides : bon modèle ou stratégie de communication ?

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En bref : un label intéressant, qui offre une voie intermédiaire pour les producteurs en transition vers des pratiques plus durables, qui doit être complétée pour garantir une démarche vertueuse pour l’environnement et une qualité nutritionnelle et gustative optimale.

C’est fin 2017 que quelques entreprises françaises regroupées dans le «Collectif Nouveaux Champs» ont lancé le concept du label «zéro résidu de pesticides».

L’engagement lié à ce label porte sur l'absence de tout résidu de pesticides. Un laboratoire indépendant certifié (Cofrac, pour Comité français d’accréditation) et un organisme de contrôle extérieur (Kiwa France) contrôlent qu’aucune substance interdite (insecticide, fongicide, glyphosate et autres) n’est présente, dans la limite de 0,00001 g par kilo, ce qui est très largement en-dessous des limites autorisées par l'Union européenne.

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Les produits sont ainsi contrôlés plusieurs fois avant récolte, puis à l'expédition.

Aujourd’hui, ce sont 64 marques, regroupant plus de 6000 producteurs français, qui se sont engagées dans cette voie.

Une démarche plus rapide que la conversion au bio

Pour atteindre cet objectif, les producteurs travaillent sur plusieurs axes. La lutte biologique (utilisant des insectes) contre les nuisibles, la culture hors-sol (qui pose d’autres problèmes car elle dissocie les produits du terroir où on les cultive), et d’autres solutions adaptées à chaque type de produit, de manière à limiter au maximum l’usage de produits chimiques.

Si toutefois une partie de la récolte est attaquée par des nuisibles ou des champignons, elle sera alors traitée et les produits seront déclassés et vendus comme des produits d’agriculture conventionnelle.

Mais c’est en comparaison avec l’agriculture biologique que l’avantage pour le producteur est important : il pourra obtenir le label sur les produits provenant des parcelles préservées et non traitées. Et potentiellement obtenir le label sur la parcelle concernée dès la prochaine récolte. Alors qu’un agriculteur biologique devra faire le choix soit de perdre une partie de sa récolte, soit de la traiter, de perdre ainsi son label biologique et de devoir entreprendre à nouveau la démarche de conversion qui dure trois ans. C’est donc pour un producteur une voie “un peu moins dure” vers la transition écologique !

L’obligation de résultats : une démarche qui permet aux producteurs de remettre en perspective leurs pratiques agronomiques

S’engager dans cette démarche nécessite plusieurs actions : test des parcelles avant de s’engager, concertation avec les champs voisins pour les engager dans le non traitement ou la non utilisation de certains “intrants rémanents” ou persistants, élimination des parcelles proches d’axes routiers car la pollution par les véhicules a elle aussi un impact sur nos fruit et légumes !

Cette démarche permet également à certains producteurs de se réintéresser à leurs sols : non labour, bilan humique (concentration en matière organique à même de “nourrir” les végétaux)…

Au final, certaines marques qui sont entrées dans la démarche comme Alpina Savoie arrivent à se passer presque totalement de produits chimiques, y compris de ceux autorisés en agriculture biologique !

Peut-on vraiment limiter l’impact sur la santé au «zéro résidu»?

La démarche est louable et constitue un compromis intéressant.

Cependant, on ne peut absolument pas limiter l’impact d’un produit sur la santé à la seule absence de résidus de pesticides. Il faut aussi s’intéresser à la quantité de nutriments dans les produits (cf. notre article sur ce sujet), fortement lié au type de culture (pleine terre ou hors-sol) ainsi qu’aux variétés utilisées : certaines variétés dites « hybrides » sont en effet plus résistantes mais moins intéressantes en termes de goût et de nutriments.

L’impact sur l’environnement est un tout autre sujet

Un sujet fondamental n’est pas garanti par ce label : l’impact sur l’environnement ! Zéro résidus de pesticides dans un produit ne veut pas dire qu’aucun pesticide n’a été utilisé lors de sa production. Or, de nombreuses études montrent que les attentes des consommateurs sur les produits alimentaires ne se limitent pas à leur santé, mais concernent de plus en plus l’environnement.

D’autant que certaines méthodes de production compatibles avec les contraintes du label peuvent avoir un impact sur l’environnement, par exemple être très gourmandes en eau ou peu respectueuses des terres.

Malgré tout, le collectif Nouveaux Champs indique que la quantité de produits chimiques utilisés chez ses membres a diminué de plus de 50% en moyenne, ce qui est très encourageant pour la suite.

C’est bien… mais non suffisant.

En conclusion, cette démarche est intéressante car elle constitue une sorte de « voie du milieu » entre l’agriculture conventionnelle et l’agriculture biologique. Mais elle n’est pas en soi une garantie de qualité nutritionnelle et encore moins de qualité environnementale, qui est pourtant de plus en plus au coeur des attentes des consommateurs.

Ce label a donc des effets très positifs, en amenant vers une approche plus vertueuse de nombreux producteurs qui n’auraient sans doute pas fait évoluer leurs pratiques aussi rapidement, mais il ne suffit pas à lui tout seul pour avoir une idée juste de la qualité globale du produit concerné et de ses impacts pour l’environnement.

Pour Omie : Un critère bienvenu chez nos fournisseurs, mais qui doit être concomitant à la mise en oeuvre de techniques agronomiques avec peu ou pas de travail des sols, de diversification des cultures et des variétés utilisées permettant de rendre les exploitations plus résilientes et les produits plus riches nutritivement et gustativement.