24/8/2021
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Omie s'engage pour la résilience alimentaire

Thibaud CHAUSSET
Directeur Offre & Filières

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Qu’est-ce que la résilience alimentaire ?

C'est la capacité des systèmes alimentaires à produire une alimentation adaptée, suffisante, accessible à tous, même en temps de crise.

Mais d’où vient cette crise ?

Contexte agricole : de moins en moins d’exploitations, de moins en moins d’agriculteurs, des exploitations de plus en plus grandes et de plus en plus spécialisées

  • en 30 ans : -50% d'exploitations : 440 000 exploitations aujourd'hui ; une baisse d'environ 2% par an
  • De moins en moins d'agriculteurs : 1,5% de la population française actuellement ; contre 7,1% en 1982.
  • Moyenne d'une exploitation agricole : 63 hectares ; +50% depuis les années 2000 (~40 ha dans les années 2000).
  • des exploitations qui se spécialisent de plus en plus, avec de moins en moins de diversité d’espèces cultivées

De ce fait, la résilience alimentaire de la France est fortement remise en question. 

Les impacts concrets de cette crise

  • La France a perdu sa souveraineté alimentaire, nous ne produisons plus assez de certaines denrées : on importe ainsi 50% des fruits et légumes consommés en France, d’où une dépendance forte d’autres pays tels que l’Espagne.
  • Nos territoires ne sont plus résilients, car ils dépendent trop d’un seul territoire de production ultra spécialisé.

    Exemple : selon une étude de l’INRAE, 50% des commerçants de Montpellier qui vendent des tomates, vendent des tomates bretonnes.

    Plus la dépendance à une région est forte, plus le système alimentaire est fragile, car si une maladie ou un aléa climatique frappe cette région, il n’y a pas d’autre solution que d’acheter à l’étranger…

  • Nos productions sont dépendantes d’une main d'œuvre extérieure et peu stable : c’était flagrant pendant la pandémie de covid-19, où la main d'œuvre manquait, mais c’est un phénomène de fond dans le milieu agricole en 2020. Les travaux des champs sont perçus comme éprouvants et peu valorisants dans un pays où le taux de réussite au bac est de 96% !

  • Nos cultures dépendent énormément des importations : 100% de nos tracteurs sont importés (et bien sûr le pétrole nécessaire à leur utilisation). Nous importons également une très grande majorité des engrais chimiques dont dépend encore une part trop importante de notre agriculture.

En quoi avons-nous, en tant que marque, un rôle-clé à jouer pour cette résilience alimentaire ?

Chez Omie & Cie, nous nous sommes donnés une mission : produire des produits bons, sains et justes. Réconcilier des produits de haute qualité, qui respectent l’environnement, rémunèrent justement les agriculteurs et transformateurs, tout en restant accessibles en termes de prix.

Outre le fait de faire et proposer ces produits aujourd’hui, nous devons nous assurer que nous serons capables de le faire demain, dans 10 ans ou dans 30 ans.

Cela signifie nous assurer que nos méthodes de production agricole, de transformation, ainsi que nos chaînes logistiques sont résilientes et pérennes. En d'autres termes, avoir la certitude que le modèle que nous construisons sert la résilience alimentaire de nos territoires.

C'est de cette manière, en tant que marque alimentaire, que nous sécurisons nos approvisionnements en matière première. Contrairement aux modèles qui ont longtemps prévalu, nous ne sommes pas sur une approche court-termiste : nous veillons à ce  qu'il y ait une régénération des ressources que nous utilisons.

Aujourd'hui la distribution a un rôle de prescripteur : elle dit aux agriculteurs et aux transformateurs à quel résultat ils doivent arriver, mais c'est à eux de se débrouiller pour trouver les moyens de le faire. Il n’y a pas de volonté de comprendre leurs contraintes ni de les aider réellement. Notre conviction est qu’il faut dépasser ce rôle de prescripteur et être réellement partie prenante.

Cela demande de comprendre l'ensemble des contraintes de chaque maillon de chaque filière. Il faut enfiler nos bottes, aller dans les champs, accompagner concrètement la transition agricole sur le long terme.

Nous nous engageons donc : 

  • A accompagner la transition vers la bioagroécologie : en s’appuyant sur des méthodes de productions agricoles régénératrices, qui enrichissent les sols plutôt que les appauvrir comme le fait l’agriculture qui utilise massivement les produits chimiques. Les produits sont plus sains, plus typiques car ils s’appuient sur la nature des sols, et les agriculteurs sont moins dépendants d'intrants externes (mécaniques ou chimiques). >> cf nos articles sur les techniques agricoles

  • A rémunérer justement l’ensemble des acteurs des filières, à commencer par les agriculteurs trop souvent mal rémunérés : car nous ne pouvons pas espérer de transition, si certains acteurs des filières sont mal rémunérés >> cf notre article sur la rémunération (l’exemple du lait)
  • A travailler à tous les niveaux des filières, car cette transition ne se passe pas uniquement dans les champs !
  • A encourager la diversification agricole, pour éviter de trop forts dégâts pour l’agriculteur en cas de problème sur une de ses cultures, mais aussi pour mieux répartir l’approvisionnement alimentaire à l’échelle du pays.
  • A maîtriser nos flux de carbone en étant capables de minimiser les distances parcourues, du champ à l’assiette.


Pour œuvrer pour la résilience alimentaire, chez Omie on est convaincu que cela passe par la résilience alimentaire des territoires, et donc par leur diversification et leur dynamisation, tant en matière d’agriculture que d’industrie.

Illustration avec la filière betterave sucrière bio

Pour illustrer concrètement nos actions, prenons l’exemple de nos travaux sur la filière courte de betterave sucrière bio sur laquelle nous travaillons.

Nous avons eu la chance de rencontrer l’association Bio en Haut de France, qui est à l'initiative d’un projet qui emploie 10 agriculteurs des Hauts de France : créer une filière courte de betterave sucrière biologique française.

Suite à cette rencontre, nous avons choisi de collaborer. Bio en HDF nous a proposé d’intégrer le comité de pilotage de leur projet de création d’une filière courte de betterave sucrière bio.

Pourquoi ce projet illustre bien les enjeux de la résilience alimentaire ?

Un contexte compliqué

  • Sujet au cœur de l'actualité avec la réintroduction des néonicotinoïdes, insecticides tueurs d'abeilles. Ils avaient été interdits par l'Europe, la France est l’un des seuls pays à l'avoir appliqué et strictement interdit en 2020. Suite à cette interdiction et à un climat particulièrement favorable au développement des insectes ravageurs, une chute des rendements jusqu'à 80% a été observée chez certains agriculteurs conventionnels, leur utilisation a donc été autorisée à nouveau pour quelques années, car il n’existait pas encore d’alternative viable.

  • S'en est suivi un débat d'agronomes entre ceux qui affirmaient que des solutions existaient et ceux qui affirmaient qu’elles n’étaient pas viables. Mais ce débat arrivait trop tard et il nécessitait un modèle industriel et économique qui le permettait.

  • La filière sucrière en France est constituée de quelques grosses coopératives sucrières avec des outils industriels énormes et donc des coûts fixes énormes. Cela entraîne une course aux volumes et donc entraîne les prix d'achats vers le bas.

    Le prix d'achat des betteraves en France est ainsi tellement bas (environ 20€ la tonne pour des betteraves en agriculture conventionnelle) que les agriculteurs n'ont pas la marge de manœuvre qui leur permettrait de changer leurs méthodes de production, le risque financier serait trop élevé.

Les enjeux de ce projet de filière courte :

  1. Des méthodes de production agricoles qui permettent de se passer de néonicotinoïdes tout en ayant des rendements suffisants.
  2. Rémunérer justement les agriculteurs.
  3. Disposer d’un outil industriel adapté pour valoriser et transformer la betterave en sucre.
  4. Obtenir un produit fini accessible en termes de prix car pour faire changer le système, les produits que nous proposons doivent être accessibles au plus grand nombre.


Comment répond-on à ces 4 enjeux ?

  1. Méthodes de production : 10 agriculteurs en agriculture biologique

    On s'est aperçu que les agriculteurs en AB étaient moins touchés par les chutes de rendement, voire pas du tout : des parcelles biologiques, pourtant accolées à des parcelles conventionnelles, ne sont pas touchées alors que les parcelles conventionnelles sont durement touchées.

    Il y a plusieurs explications agronomiques…

  • En AB : les néonicotinoïdes sont interdits depuis longtemps, la filière a donc développé d’autres pratiques prenant en compte la manière dont fonctionnent les pucerons, qui sont le principal problème. Ainsi, on attend le vol des pucerons et on sème en avril et non fin février ou début mars, comme en conventionnel.
  • Les systèmes de production sont plus diversifiés et de manière plus fréquente dans les exploitations AB. Or, on sait que la diversité des cultures favorise la production de biodiversité, notamment d’insectes auxiliaires, prédateurs des pucerons.

Les agriculteurs biologiques ayant déjà un système de production permettant de se passer des néonicotinoïdes, il est logique de construire ce projet en AB.

  1. Rémunérer justement

On a vu qu’une agriculture AB nécessitait de semer les betteraves plus tard. Or de ce fait, la plante a moins de temps pour se développer et donc produira moins de sucre.

Il est donc nécessaire de mieux rémunérer pour compenser cette baisse de rendement.

  1. Un outil industriel

    Il faut être capable de transformer la betterave en sucre sans faire s’envoler les coûts. Or l’état de la filière sucrière française ne permet pas de le faire avec les outils industriels existants, qui sont incapables de transformer indépendamment le peu de volume engagé dans le projet (10 agriculteurs engagés pour l’instant).

    Si on transformait nos betteraves avec ces outils existants, le sucre qu’on récupérerait serait un mélange de nos betteraves et d’autres betteraves et on perdrait le bénéfice d’une production AB, il serait donc impossible d'obtenir une rémunération suffisante.

    Il est donc nécessaire de créer une micro-sucrerie :

  • au plus proche des agriculteurs, pour maîtriser les flux de carbone, et minimiser l’impact environnemental lié au transport ;
  • dimensionnée à taille humaine ;
  • où les agriculteurs sont actionnaires pour rester décisionnaires.

Une deuxième piste consiste à diversifier les systèmes de production, en créant un outil industriel polyvalent, capable de transformer la betterave, mais aussi les autres cultures des agriculteurs. C’est une piste cohérente avec le pilier de la bioagrécologie qu’est la diversification de notre agriculture.

  1. Un prix accessible pour les consommateurs

Aujourd'hui il n’existe pas encore de micro-sucrerie en France. On valorise donc la betterave en Allemagne dans une micro-sucrerie. Là-bas, pas de sucre cristal mais un produit très pratique : le sirop de betterave.

En termes d’utilisation, c’est un produit que l’on peut comparer au miel pour sucrer des laitages, utilisé en pâtisserie, en cuisine, etc. Ce produit fini ressort à un prix de 3,80€ le pot de 500 ml chez Omie, soit 2 à 3 fois moins cher qu'un miel français.

Le prix du sucre en poudre provenant de cette filière n’a pas encore été décidé, mais il prendra en compte les mêmes éléments et sera accessible, comme tous nos produits.

Comment étendre cette démarche ?

Il faut toujours avoir en tête notre équation de départ = des produits de haute qualité, dont la production se base sur des méthodes résilientes et pérennes, tout en conciliant prix rémunérateurs pour la filière et prix accessibles à tous, car si on est trop haut en terme de prix, il n’y aura pas d'impact.

La difficulté est de résoudre cette équation, tout en ayant un modèle économique d'entreprise viable, sinon pas de résilience possible.

Mais cette démarche implique aussi l’implication d’acteurs externes à la filière :

  • Il faut travailler avec les législateurs pour que les subventions du monde agricole soient plus appropriées à la transition que nous accompagnons.
  • Embarquer avec nous le monde de l’assurance pour accompagner la transition agricole et ainsi ne plus être uniquement sur un système qui assure la récolte suite à un dégât, mais aider à prévenir ce dégât.

La résilience se construit sur le long terme

A travers l’exemple de la betterave sucrière, nous avons ainsi vu que la résilience alimentaire était la capacité d’une filière à être pérenne pour les producteurs, les transformateurs, mais que cela passait par le fait de donner le temps et les moyens à la filière de s’organiser pour gérer l’évolution vers un nouveau mode de fonctionnement.

C’est pour cela qu’Omie s’investit dans des partenariats à long terme avec les producteurs, parce que c’est nécessaire à la pérennisation de la filière.